Déjà employé comme liquide frigorigène dans l’industrie, le gaz carbonique (CO2) pourrait aussi chauffer et climatiser de façon efficace, propre et économique les zones urbaines. C’est ce que démontrent des chercheurs de l’EPFL, prototype à l’appui.
Principal gaz à effet de serre, le CO2 peut aussi contribuer à… limiter le réchauffement climatique. Déjà utilisé comme fluide frigorigène «propre» dans des supermarchés, il se révèle aussi être un agent de transport d’énergie efficace pour le chauffage et la climatisation des bâtiments et ce, surtout en milieu urbain.
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En Europe, le secteur du bâtiment engendre 40% de la consommation d’énergie finale et environ un tiers des émissions de gaz à effet de serre. La Suisse ne fait pas exception. En outre, dans une ville comme Genève ou Lausanne, le parc immobilier très hétérogène requiert des besoins de chauffage et de climatisation très divers.
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Par exemple, afin de fournir une chaleur confortable, un vieux radiateur doit être irrigué à au moins 50 degrés tandis qu’un chauffage au sol n’a besoin que de 30 degrés. Par ailleurs, en été, les climatiseurs d’une grande surface fonctionnent à plein régime, dégageant de la chaleur, tandis qu’à quelques mètres de là, une chaudière à gaz assurera l’eau chaude sanitaire à tous les étages. Une aberration énergétique…
Samuel Henchoz, du Groupe d’ingénierie des processus industriels et des systèmes énergétiques et en association avec le Centre de l’énergie, s’est attaqué au problème. Dans sa thèse, il étudie un nouveau concept qui repose sur la circulation d’un fluide frigorigène à l’état saturé, en l’occurrence du CO2 sous pression, entre les bâtiments.
Comme dans un frigo, le CO2 à l’état liquide s’évapore dans un échangeur de chaleur pour produire du froid. Pour fournir de la chaleur, il fait l’inverse: à l’état gazeux, il restitue sa chaleur dans un échangeur.
Dans le système proposé, du CO2 circule à une température d’environ 15 degrés, proche de son point de saturation entre l’état liquide et gazeux. Etant comparable à la température du sous-sol, cela limite les besoins d’isolation des conduites. Ne craignant pas le gel, celles-ci pourraient même être installées sous les trottoirs.
En outre, le gaz étant sous pression et de haute densité énergétique, les conduites peuvent être nettement plus petites que celles d’un réseau à base d’eau. Autre atout, et non des moindres, le fluide frigorigène récupère la chaleur émise par les refroidisseurs sur son parcours, réduisant d’autant la contribution de la centrale à distance.
Sur papier le concept est séduisant. Mais l’utilisation du CO2 comme fluide frigorigène en zone urbaine est-elle sûre, fiable, efficiente et économique? Pour le déterminer, le chercheur a effectué une analyse sur un quartier du centre de Genève. Il a comparé les performances énergétiques et la profitabilité économique de cinq variantes de réseaux à fluide frigorigène, un réseau à eau froide et le mélange de systèmes de conversion actuellement utilisés.
Résultat: le système actuel comprenant des chaudières et des unités de réfrigération ordinaires est le pire. Toutes les variantes étudiées permettraient une économie d’énergie finale supérieure à 80%. La variante la plus prometteuse utilise le CO2 comme fluide de transfert et une pompe à chaleur au CO2 pour les ajustements de température.
Elle coûterait initialement entre 27 et 35 millions de francs pour le quartier étudié et deviendrait rentable déjà 4 à 6 ans après sa mise en service. La seconde meilleure option, bien que plus chère, est un réseau à eau froide, présentant des avantages en matière de sécurité et de disponibilité des composants.
«Contrairement aux fluides frigorigènes synthétiques, le CO2 est naturel, bon marché, non inflammable et non toxique, rappelle Samuel Henchoz. Cependant, il doit circuler sous une pression de 50 bars, ce qui est inédit et demande une adaptation des normes officielles.»
Crédit: Article adapté d’une publication originale sur le site de l’EPFL, les textes, les images et les vidéos sont sous licence CC BY-SA 4.0