Crédit: Article adapté d’une publication originale sur le site de l’EPFL, les textes, les images et les vidéos sont sous licence CC BY-SA 4.0
56% de l’électricité produite en Suisse provient des centrales hydrauliques. Or si les centrales, des installations immenses et très coûteuses, sont installées pour des décennies, les cours d’eau et l’environnement dans lesquels elles se trouvent évoluent. Ces changements liés au climat ont des impacts sur l’équipement et donc sur la production d’électricité.
Le Laboratoire de machines hydrauliques de l’EPFL travaille sur une question centrale pour les années à venir : la concentration de plus en plus importante de sable dans l'eau, qui érode les turbines. Et à la clé, contribue à faire perdurer la production d’électricité pour plus de 8 millions de personnes.
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Dans le cadre de la stratégie énergétique 2050, la Confédération souhaite non seulement augmenter la production d’électricité issue de la force hydraulique, mais doit aussi prédire l’environnement dans lequel les centrales devront travailler, pour adapter la technologie aux besoins et aux conditions futures.
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«En Suisse, les glaciers et la neige fondent de plus en plus vite. La qualité de l'eau s'en trouve affectée, avec une concentration de sédiments de plus en plus importante», explique François Avellan, directeur du laboratoire de machines hydrauliques (LMH) et l’un des auteurs de cette étude. «Ces sédiments de sable sont très agressifs et érodent les turbines.»
L’efficacité de la production est donc altérée, des cavités dans les matériaux se forment, les vibrations augmentent, tout comme le besoin en réparations et leur coût. Finalement, la durée de vie des turbines diminue.
Dans le cadre du pôle de compétence suisse de recherche énergétique fourniture d'électricité (SCCER SoE) avec le soutien de la Commission pour la technologie et l’innovation (CTI) et en collaboration avec GE Renewable Energy, l’EPFL travaille donc à comprendre et prédire l’érosion par le sable, pour développer des turbines et des stratégies d'exploitation offrant une plus grande durée de vie aux installations.
Mais dans le domaine hydraulique, les chercheurs sont confrontés à une difficulté de taille : impossible de faire des expériences directement sur les installations. Vu l’impact et le coût qu’aurait un arrêt de la production, les études se font uniquement grâce à des simulations et sur des modèles réduits.
Le LMH a donc développé un modèle informatique multi-échelles novateur, permettant de prédire l’érosion des turbines par le sable avec de bien meilleurs résultats que d'autres approches.
«Comme beaucoup de problèmes dans la nature, celui de l’érosion par le sable est multi-échelles. Cela signifie que les comportements observés au niveau macroscopique proviennent d’une multitude d’interactions au niveau microscopique», explique Sebastián Leguizamón, auteur principal de cette recherche et doctorant.
«Concrètement, les sédiments de sable sont extrêmement petits, ils vont très vite et leur impact dure moins d’une microseconde. Par contre, l’érosion que l’on perçoit est graduelle, elle survient après des heures de production et elle affecte la machine entière.»
Les chercheurs se sont donc tournés vers une solution multi-échelles, en modélisant séparément les deux phénomènes responsables de l’érosion. Au niveau microscopique, il se sont penchés sur l’impact extrêmement bref des minuscules sédiments qui touchent les turbines, en prenant en compte des paramètres comme l’angle, la vitesse, la taille et la forme des grains ou encore les différents matériaux.
Au niveau macroscopique, c’est le transport des sédiments dans l’eau, qui impacte le flux, la distribution et la densité des sédiments touchant les turbines, qui a été étudié. Les données obtenues ont ensuite été couplées pour obtenir la prédiction de l’érosion.
«Etudier le phénomène dans sa globalité est impossible. Les grains sont tellement petits et la durée nécessaire à l’érosion tellement importante, que s'il fallait observer et reproduire ce processus, cela prendrait des centaines d’années de calcul et demanderait un ordinateur qui n’existe pas», souligne Sebastián Leguizamón. «Mais en séparant les différentes phases de cette façon, le problème devient solvable.»
Grâce aux résultats validés, le Laboratoire travaille maintenant sur la phase suivante, la caractérisation des matériaux utilisés pour les turbines. Cette étape permettra une application concrète du nouveau modèle à des installations hydrauliques existantes. Car adapter les turbines aux changements du climat représente un défi au niveau suisse, mais aussi mondial, où la production globale d’électricité hydraulique est de 17%.
Peu flexibles en générale et installées dans des environnements aussi divers que les moussons, les climats tropicaux ou de type alpin, les turbines devront voir leur design et leur mode d’opération modernisés pour répondre à cette évolution. «Lors de l’expertise d'une centrale dans l’Himalaya, mes répondants m’ont indiqué que si la turbine durait plus d’une mousson, c’était un succès !», conclut François Avellan.
Crédit: Article adapté d’une publication originale sur le site de l’EPFL, les textes, les images et les vidéos sont sous licence CC BY-SA 4.0